Il suffit d’écouter les conseils, toujours bien intentionnés ceci dit, de nos partenaires de running, pour s’engouffrer dans des erreurs d’entrainement qui peuvent couter cher. Quand je faisais de l’athlétisme adolescente par exemple, il était commun d’associer le poids ou même plutôt la silouhette à la performance physique : “si tu veux améliorer ton chrono sur 1500m, alors perds deux ou trois kilos” ; on sait aujourd’hui les dégâts qu’on fait des années de contrôle alimentaire chez les athlètes, y compris en très haut niveau; car non, être plus mince, ne veut pas dire aller plus vite.
J’ai essayé ici de dresser une petite liste des conseils qui me semblent être les plus nocifs à notre santé et performance et qu’on entend encore pourtant souvent, parce qu’un athlète heureux est aussi un athlète informé. Commençons donc par mon exemple cité plus haut.
Mauvais conseil n°1 : ton corps doit ressembler à ceci ou cela ou peser un certain poids
Etre sportif revient à trouver ce qui nous rend fort. Et être fort peut ressembler à des tas de choses différentes. Certains d’entre nous vont avoir les muscles dessinés, d’autres seront des brindilles, la sensation de puissance n’a rien à voir avec notre silhouette. Ce qui compte est le sentiment de possibilité qu’on développe par un ressenti fin et aiguisé et qui nous appartient. La championne d’aviron Brooke Donoghue l’a appris malgré elle, après avoir bataillé, comme un grand nombre d’athlète de haut niveau avec LIA (Low energy availability ou manque d’énergie disponible) et mis sa santé et ses performances en danger. Elle dit : ” Je comprends maintenant qu’être mince n’est pas une priorité, être forte, oui. Mon poids sur la balance n’a aucune importance, ce qui est important est de comprendre qu’il s’agit de sentir bien et de se bien s’alimenter. ” Ne pas s’alimenter suffisamment quand on fait du sport, dérègle le système hormonal et a tout un tas de conséquences néfastes sur notre santé, y compris notre humeur. Manger suffisamment (et souvent plus qu’on croit) permet de meilleures performances, de meilleures adaptations et une meilleure récupération. Pas de débat possible sur la question.
Mauvais conseil n°2 : les sorties longues tranquilles doivent se faire tout le temps dans la même zone cardiaque
Certes, les fameuses sorties longues tranquilles sont essentielles pour une base aérobie forte. C’est même l’ingrédient à privilégier pour la course d’endurance. On le sait, beaucoup de runners débutants courent bien trop vite lors de ces runs de weekend et flirtent un peu trop avec le seuil lactique, ce qui, fait trop souvent, est contre productif. Courir en aisance respiratoire est clé pendant les sorties longues, mais cela ne veut pas dire qu’il faille scruter sa montre et son cardio à chaque instant pour rester en zone 1 ou 2 et surtout ne jamais dépasser le rythme cardiaque précedemment identifié.
Les pulsations cardiaques ne sont qu’un indicateur, parmi beaucoup d’autres paramètres, de notre degré d’effort. Des fois, on se sent bien, et notre allure de sortie longue peut très bien être plus rapide que celle définit par les zones cardiaques. Et inversement, certains jours — comme ce matin pour moi— la sensation globale d’effort et de ressenti, nous demande de ralentir encore même si le coeur est dans la zone désirée. Faisons confiance à notre perception de l’effort plus qu’à notre montre et les pulsations cardiaques qu’elle affiche. Ecoutons notre corps et développons par là aussi une grande confiance dans notre capacité à évaluer notre effort par nous même, c’est de loin l’outil le plus précieux qu’on puisse s’offrir pour une progression saine et des objectifs réussis.
Mauvais conseil n°3 : pour devenir performant il faut faire beaucoup d’entrainements compliqués et intenses
Il est bien tentant de lire le blog de Killian Jornet et d’extrapoler en se disant que, malgré un boulot à plein temps, une vie familiale et sociale, un passé de sportif irrégulier, et bien pour réussir, on va faire la même chose que lui. On a lu que ce qui marchait pour Killian était deux séances par jour, des séries de fractionnés en côte trois fois par semaine et des sorties longues… très longues. Seulement, la physio du sport n’est pas une science exacte et ce qui fonctionne de façon optimale pour quelqu’un — surtout pour un élite dont c’est le métier— n’aura certainement pas les mêmes résultats pour nous. Je me répète mais ce qui compte avant toute chose est notre sensation d’énergie et de possible : “est ce que j’ai la forme aujourd’hui ? Est-ce que j’ai bien récupéré de la veille ? Est-ce que je sens que mes jambes ont envie de tourner vite ? Ou alors est ce que je me sens courbaturé.e, fatiguée ?” Ce sont ces questions là qu’il convient de se poser, même quand le coach (moi) a donné un programme quotidien à faire. Ce programme est un guide souvent idéalisé, il suppose que tout va bien, que le corps a récupéré, que la motivation est là, et qu’il n’y a pas de bobos qui trainent. Notre meilleur guide c’est nous-même. Un entrainement mal vécu sera d’autant moins bien intégré par le corps. Et de faire trop d’intensité trop souvent est une merveilleuse recette pour creuser des trous de fatigue et/ou aller tranquillement vers la blessure qui s’installe et ne veut plus se résorber. Suivons le plan d’entrainement s’il est bien pensé, mais donnons nous une grande marge d’indépendance, la santé avant tout. Un footing très cool un jour de grosse fatigue est bien bien plus constructif que 4 séries de 30x30 où on se croit mourir. On n’a rien à y gagner et beaucoup à perdre.
Mauvais conseil n°4 : c’est le volume qui compte, plus c’est mieux
Dans le coaching en running, il y a des modes, comme dans tout le reste. Et il y en a une qui perdure, surtout de ce côté ci de l’Atlantique (certes les recherches sont éditées en anglais, mais un petit effort pour se tenir au courant des dernières parutions en physiologie sportive dépoussière quand même pas mal d’idées reçues) : pour courir longtemps et bien il faut courir beaucoup. “Tu veux faire un 100km, ne rêve pas, si tu ne montes pas jusque 100 à 150km par semaine, t’es mort !” Sauf que ce n’est pas vrai, en tous cas pas forcément, beaucoup de kilomètres sur nos jambes ne nous garantissent pas un objectif réussi en endurance ou ultra endurance. Le truc est que le coaching en ultra endurance a beaucoup évolué ces cinq dernières années; il n’est plus extrapolé à partir de l’entrainement marathon où beaucoup de paramètres se contrôlent. Au delà de la distance marathon, c’est tout un autre domaine qui demande une approche spécifique, il ne s’agit pas simplement d’augmenter les chiffres qui fonctionnent pour les distances plus courtes. A nouveau, cela est très individuel, ce qui va marcher pour Courtney Daulwater ne marche pas du tout pour moi. Bon évidemment on s’en doute, je n’ai aucunement son talent, son âge, son capital génétique, son attitude mentale, etc… Si j’essaie même de toucher les 100km par semaine, et bien tout tombe en panne. Les hormones se dérèglent, le sommeil avec, la nutrition devient compliquée parce que je n’arrive pas à manger assez, j’ai mal partout, je ne récupère pas bien et suis de mauvaise humeur, je me lève avec le mal de gorge, et dans la durée, je ne tiens tout simplement pas le coup. Certes, je cours souvent, quasi tous les jours, mais le nombre de kilomètre par semaine…. il dépend de ce que je peux donner, et j’ai réussi de très beaux ultras avec un volume communément accepté comme “bas”. Régularité, qualité mais certainement pas quantité.
Mauvais conseil n°5 : pas la peine de manger avant et pendant les entrainements, ça passe !
Il ne vous est jamais arrivé de vous sentir tout simplement nase et irritable à la suite d’une sortie longue ? Genre “je cours le dimanche matin mais le dimanche après midi, je ne bouge pas du canapé et il ne faut surtout pas m’emmerder ? “. Sur la nutrition, la physio du sport a aussi bien évolué, on s’est même rendue compte qu’il y a des femmes qui font du sport et enfin des études spécifiques sont publiées sur les effets d’un manque ou d’une absence de nutrition avant, pendant ou après l’effort. La conclusion : mangez ! Car oui ça passe d’y aller à jeun, mais contrairement à ce qu’on pense, cela ne fait ni maigrir, ni augmenter la performance sur le long terme surtout. Aller courir sans manger le matin : le taux de cortisol augmente (des bons coups de stress ou de découragement dans la journée), le métabolisme de base baisse et donc le corps stocke (de préférence autour du bide) et, après une sensation initiale que “ça marche”, on se sent de plus en plus lent et/ou crevé. Idem pour les sorties longues. Je mange parfois à seulement 3 kilomètres de la maison à la fin d’une sortie qui en fait plus que vingt. Pourquoi, je suis presque arrivée, c’est bête non ? Et bien mon organisme se fout de ce que je vais lui donner une fois la douche prise, le déjeuner préparé, il a besoin de calories / d’énergie là maintenant, alors je lui donne et je vous conseille de faire de même pour un sport bien vécu dans la durée.