Cartographier le yoga

Publié le 14 juillet 2023Formation de yoga

Point de départ

L’idée de ce article m’est venue de Vincent Prud’homme que j’ai eu la chance d’avoir comme élève en yoga pendant deux formations, l’initiale il y a quelques années et l’avancée plus récemment. Je vous partage ici un mail qu’il m’a envoyé à la fin de sa dernière formation ; vous verrez pourquoi il a résonné :

Balade au pays du yoga d’Elise.

J’ai traversé ce pays sans carte. J’avoue m’y être un peu perdu au tout début …
Mais c’est normal, lorsqu’on découvre un pays que l’on ne connait pas tout nous semble étrange, éloigné de ce que l’on connait déjà. J’y ai découvert un langage d’une grande précision et d’une grande sensibilité. A force de visite, j’ai appris à décrypter ce langage qui parlait plus à mon corps qu’à ma tête. Un langage simple mais puissant qui m’a accompagné et qui à permis à mon corps de s’enraciner, de prendre sa place, et puis un jour s’envoler et de prendre l’espace. Car c’est bien de cela qu’il s’agit avec Élise, ouvrir en direction de l’espace !

J’ai compris aussi qu’il ne pouvait pas y avoir de cartes dans ce pays car tout simplement il n’y a ni route ni chemin dessiné au préalable. J’ai découvert que l’on y dessinait sa propre carte, et c’est précisément cela qui m’a séduit. Tout au long de ce voyage avec Élise ma carte est devenue chaque fois plus précise encore. Aujourd’hui, après tous voyages, elle n’a toujours pas de bord, elle reste ouverte à tous les possibles, à toutes les envies, elle ne se referme pas sur elle-même.

Mon parcours sur dans ce pays a toujours été joyeux, ludique, accompagné de rires, de sourires. Au pays du yoga d’Élise l’erreur n’est jamais une faute mais au contraire une bulle, quelque chose de très léger qui vous prend par la main et vous emmène vers des terres inconnues. À partir de cet horizon tout devient possible. À partir de là c’est possible d’oser !

Chez Élise, le premier jet ne craint pas le repentir ! Et pour plagier Monsieur René Char à propos de Miro, « Elle fait de la justesse sa règle et de la spontanéité sa conduite. » « L’accident » est toujours au service de la construction, voire même l’essence du travail et c’est cela qui le rend vivant.
A l’occasion de mes nombreux voyages j’ai pu ressentir s’en cesse le tourbillon d’une danse entre sensation, concentration et ouverture. Ce sont des notions très complémentaires, comme une relation amoureuse dans le sens noble du terme. Aucune ne se développe au détriment de l’autre.

Finalement le pays du yoga d’Élise n’est pas un pays mais une planète tout entière. C’est pour cette raison qu’il n’y a pas de bords sur cette carte. Ici c’est une révolution permanente ! J’entends par ce terme qu’ici ça tourne, c’est toujours mobile, rien n’est fixé pour toujours, chaque jour est une révision du jour précédent, parce que chaque jour est fait de sensations différentes. Eprouver la matière, ressentir ses vibrations, voilà qui donne le sentiment d’être en vie. Voilà qui donne du sens à ma vie et sans doute n’ai-je visité ce pays que pour cette simple raison.

Résonnance

Le témoignage de Vincent est d’une grande beauté mais plus que ça encore il a trouvé chez moi une résonnance toute particulière. Car la métaphore cartographique est finalement celle qui m’a toujours passionnée, et qui me suit depuis bien longtemps. Je me souviens avoir été émue, de l’émotion qui survient quand une vérité se touche pour la première fois en nous, par la lecture de Gilles Deleuze et son concept de déterritorialisation. J’y ai même consacré une thèse de doctorat. Celle-ci utilisait ce concept et le mariait à celui de frontier dans le sens américian du terme, c’est à dire une ligne mouvante qui investit toujours de nouveaux espaces. Mes tatonnements en arts plastiques m’emmènent aussi sur ce terrain là, je dessine des cartes, mentales ou psychologiques superposées à un espace physique. J’aime aussi tracer des aventures à venir, voir sur le papier des régions imaginées avant d’aller les traverser en 3D. Mon business s’appelle explore training et je bassine tout le monde avec mes histoires d’espace. Bref, les cartes, les territoires et leur exploration, c’est mon truc.

Yoga comme processus de cartographication

Le mot n’existe pas, mais je le laisse là, car il exprime bien le mouvement d’exploration qu’est le processus de formation en yoga. On arrive dans un nouveau territoire, dont je connais un peu le balisage. Ci celui-ci peut se définir au préalable — éléments techniques, anatomiques, factuels du yoga — mais les chemins empruntés vont dépendre de la nature du paysage et de ses habitants. Les habitants c’est nous. Certains aiment les chemins de traverse, d’autres préfèrent les autoroutes et les aires de repos, d’autres s’entêtent dans une impasse pour s’apercevoir qu’il suffit de contourner la clotûre pour aller de l’avant. Mon travail est de garder le balisage clair et de rappeler à chacun.e que la finalité est dans la voie, la destination reculant toujours au fur et à mesure qu’on avance jusqu’à quelle n’ait plus vraiment d’importance. Je vérifie le matériel et l’état des panneaux — mais surtout je vois la capacité intrinsèque à chacun.e de faire son chemin. J’encourage la débrouillardise, la capacité à se nourrir de ce qui est dans l’environnement proche, l’aptitude à lire le paysage et à l’apprivoiser.

Et je voyage moi aussi à chaque fois. Certes je sais quelles sont les étapes et par où passer, mais j’aime me laisser surprendre par un nouveau relief, décider de partir un moment en hors piste, et dans ce mouvement du devenir, proposer un yoga pronfondément vivant et inspirant.

En 2024 Vincent rejoint l’équipe d’explore training, vous le retrouverez en formation avancée où il enseignera la respiration. Nous avons aussi en projet commun un module art et yoga.