Thame, 3800m
Ambiance difficile avec Gladys qui refuse la réalité d’un corps et d’une physiologie de son âge tout en accusant Jeannette d’âgisme. Elle est très centrée sur elle même, sa souffrance affleure en colère et en méfiance.
Pour le reste, l’espace est là, il n’y a que ça. J’ai d’ailleurs du mal à comprendre que l’égo puisse encore chercher à retracer son périmètre. J’aimerais peut être un peu plus de calme, un peu moins de conversations, plus de solitude et de temps de contemplation.
Depuis que nous avons quittées Namche, tout est devenu plus cru, plus vrai et authentique. Il y a peu de marcheurs, plus de vieilles personnes transportant d’énormes charges, des femmes aux costumes traditionnels souvent très sales. J’aime ces longues jupes recouvertes d’un tissu rayé le tout tenu par une grosse ceinture à boucle ornée. Les visages sont presque noirs, polis par le soleil. Beaucoup n’ont peu ou pas de dents et les sourires sont presque enfantins.
J’ai trouvé la vallée de la félicité. Je m’en souviens comme un croisement, celui d’un sentier et d’une rivière qui danse sur des rochers blancs et lisses. Il y avait du vent, des couleurs, le son de l’eau qui coule et du moulin à prières qui tourne. L’espace ouvert et habité de mouvements légers, doux et vivants à la fois.
L’arrivée sur Thame était spectaculaire et tranchait avec la douceur précédente. La géologie en plein travail, des falaises noires et jaunes, des rochers énormes, des torrents blancs et des sommets aiguisés. Thame est étrange, vidé de ses touristes et une partie de ses habitants depuis un énorme glissement de terrain du à une coulée de glacier. L’air est blanc et vert, strié de murs en pierres sèches. L’ambiance est fraîche et propre pourtant nous logeons dans une vieille lodge très vétuste au confort minimum.
Je pourrais marcher des heures, mon souffle est calme, mon énergie constante et mes jambes me portent sans effort. Une grande confiance m’habite. Elle n’a aucun objet particulier. Je ne m’appartiens plus vraiment.
Je pratique peu et beaucoup. L’espace est là, non négociable. Mon petit cahier reste dans mon sac à dos enroulé dans un kata. Aujourd’hui j’ai senti le lashang, l’ai observé de loin. Je me suis assise dans un monastère chargé d’odeurs et de sons. Les moines déroulaient les prières et je me suis laissée inonder.