Pourquoi j'aime nager

Publié le 6 août 2012Nature

Ce matin j’ai nagé. Longtemps. Au début je sentais mes gestes lourds, un peu gauches, mes mouvements devançant mon souffle, un peu trop rapides. Puis, mon corps et mon esprit se sont écoutés, apaisés, et le mouvement s’est fait plus habile, l’esprit plus attentif.

Dans la pensée bouddhiste, le coeur et l’esprit c’est la même chose. Etre pleinement dans son expérience du moment, c’est comme respirer avec le coeur, c’est comme toucher à vif, sans le filtre de l’interprétation et des habitudes, un espace cru et clair capable de tout inviter, de tout accommoder.

Quand je nage, je me sens plus spacieuse, plus réceptive, plus à nue, c’est un peu comme si mon corps se déployait dans la continuation de cet esprit qui est aussi mon coeur.

J’aime le son de mes expirations qui se matérialisent dans une ronde de bulles me caressant le visage, la ligne noire au fond de l’eau que mon regard traverse, le battement régulier de mes jambes, le geste ample de mes mains qui vont chercher loin devant la densité de l’eau, les aperçus furtifs des alentours à chaque inspiration puis le retour à l’eau et son silence enveloppant.

Il y a quelque chose de très primordial ou même de fondamentalement humain dans le fait de nager, quelque chose qui noie mon petit moi étriqué et ses pauvres petites peines et me révèle un espace vierge et infini. Une présence tellement forte aux éléments, à l’eau, que je suis tout simplement présente, là, sans garde fou, flottant à la surface d’une piscine devenue tout un monde. Un monde sans fond, et pourtant dense d’une potentialité insoupçonnée, la mienne.