Bikepacking en Andalousie

Publié le 28 février 2023Nature

Andalousie, nous voici !

Mon frère vit en Andalousie depuis bientôt 20 ans. Il a atterri là-bas après un bout de vie aux USA où il avait rencontré sa femme, Mar, andalouse de naissance. Ils habitent à Séville, une ville dépaysante par sa richesse culturelle, les orangers qui bordent ses rues, ses bars qui ne désemplissent pas, les rires de ses habitants qui traversent les murs jusque tard dans la nuit.

J’aime peu les villes. Peut être parce que j’ai vécu dans de très grandes métropoles et que la douceur de la campagne m’est devenue nécessaire. Et malgré toute sa beauté, je trouve Séville épuisante. Après un délicieux weekend en famille, j’ai donc eu envie d’en sortir. Des traces trouvées rapidement sur internet, et bidouillées par nos soins, les sacs sur les vélos, et nous voilà partis, Jo et moi, sur les chemins andalous. Le plan était d’aller de Séville à Cordoue par la Sierra Morena et de revenir vers Séville par un autre chemin, une boucle d’un peu plus de 400k dans le sud de l’Andalousie.

Plannifier… ou pas

Le voyage à vélo est passionnant. Il a son propre rythme, ses propres détours et imprévus. A cause de la saison encore fraîche (nous sommes en février), nous avons choisi de ne pas bivouaquer, ce qui demande un peu plus de planification qu’à nos habitudes. On a donc déterminé des étapes, nous permettant d’aller d’un village ou ville à l’autre pour y trouver un logement pour la nuit. Petite contrainte tout de même, car cela impose un programme, une destination, et nous empêche de nous laisser complètement porter par le mouvement de l’itinérance.

C’est étonnamment facile de nos jours de planifier un voyage à la dernière minute, avec un téléphone les hébergements se réservent en instantané, la météo est checké, la trace affichée.

Ceci dit notre périple andalou a tout de même eu son lot d’aventures. Une trace souvent approximative dans les chemins et sentiers, et donc des portages, des barbelés enjambés, un nombre incalculable de barrières franchies, des poussages dans des terrains terreux et pentus.

On a aussi vu des paysages saisissants de beauté dans la Sierra Morena, beaucoup d’animaux qui nous ont attendri — des veaux tous jeunes au pelage duveteux, des marcassins aux allures de peluches, des cigognes majestueuses, des vaches songeuses, des lapins aux fesses toutes blanches.

Rencontres

Sur les sentiers et chemins, on a rencontré… personne. Etonnant dans ces centaines de kilomètres où la terre est cultivée (beaucoup de chênes lièges et d’oliviers dans la Sierra — d’immenses champs dans la plaine). Quelques 4x4 parfois, deux ou trois par jour, quelques tracteurs à l’horizon. C’est tout. Après la ville fourmillante, le contraste était fort et nous a enchanté. Des gens, on en a vu dans les bars de village, où nous nous sommes arrêtés pour nous ravitailler. Bruyants et rigolards, un peu surpris de voir deux français débarquer à vélo, mais apparemment peu étonnés de nous servir des quantités impressionnantes de nourriture.

Car des heures passées sur le vélo donnent faim. Donc on a mangé beaucoup. Autant les journées sur la selle avaient leurs lots d’inconfort, autant nous avons compensé par des repas simples mais attablés, dans une ambiance chaleureuse et authentique. Nous avons mangé des plats dont on arrive pas à prononcer le nom, servis par des gens toujours incroyablement gentils et pour un prix dérisoire. Nos hébergements ont été très simples, toujours impeccablement propres (fort contraste avec nos vélos et vêtements couverts de poussière) — et nous on permis de passer des nuits réparatrices.

Tourisme ?

On a joué les touristes un peu — avec une journée de break à Cordoue. Même si on apprécie tous les deux beaucoup l’art, l’histoire et l’architecture, on a été vite saturés par le monde et les attractions touristiques. C’est avec un soulagement commun qu’on a ré-enfourché notre vélo pour repartir sur les grandes pistes ventées qui nous ont ramenées à Séville.

Le bikepacking : du sport ?

Certains appellent ça du sport, nous on voit juste dans ces aventures une façon d’être qui a peu à voir avec la performance sportive. C’est l’errance, la joie de la découverte, la temporalité propre au vélo, l’accueil des imprévus qui nous attirent avant tout. Bien sûr, cela reste un bel effort sportif. Mais il a un sens tout autre que celui d’un parcours uniquement évalué par sa difficulté, son nombre de km et son dénivelé. On s’en fout un peu à vrai dire. Ca vient avec, ce qui nous importe avant tout c’est ce mouvement de l’avant, plutôt lent, en silence et appréciation.

Coin matos et petits trucs

  • On a une préférence pour le gravel bike : ça passe presque partout, reste relativement confortable sur les terrains caillouteux et on est pas trop collé à la route sur le bitume. Ça s’équipe facilement de sacs et supports. Ceci dit, pour les longs voyages ou certains terrains montagneux, le VTT reste bien plus adapté. On est quand même parfois bien secoué sur le gravel. Nos vélos sont équipés de groupes gravel sensés nous aider à grimper les gros dénivelés sans y laisser nos poumons, et nos pneus sont larges pour gagner en confort (Jojo: 2 plateaux – 31/46 et pneus en 50 ; moi: mono-plateau 30/42 et pneus en 47). On aimerait avoir un développement plus facile car honnêtement, les longues pentes raides avec des vélos chargés, on les sent passer.
  • On adore les sacs Helmut, faits main, donc le top. On ne donnera pas la marque des autres sacs dont on se sert car ils sont peu résistants et ceux de Jojo sont en train de rendre l’âme. La marque Rapha a sorti un sac banane, testé pendant ce voyage, et complètement adopté. On ne le sent pas, on peut y mettre des outils ou de la bouffe.
  • Les fringues, on en prend très peu. On lave quand on peut et ça sèche la nuit. Un T-shirt, une veste/polaire, une doudoune ultra light, un cuissard, une veste contre la pluie et voilà ! On a tous les deux nos marques préférées : Jo adore Pedaled et Café du Cycliste, moi je suis une inconditionnelle des cuissards Rapha. Les doudounes Patagonia restent les plus light et chaudes. Pendant ce séjour, on a ajouté un legging/pantalon light pour le soir ou le froid. Je recommande aussi les grandes chaussettes ridicules qui ont principalement deux fonctions: 1) nous éviter de trop nous prendre au sérieux 2) garder une grande partie des jambes au chaud lors de départs matinaux.
  • Les traces GPS : on les fait sur Visu GPX à la maison, ou on les trouve déjà faites sur internet (le cas pour ce voyage), et on les modifie suivant nos envies ensuite. On adore Komoot, hyper simple d’utilisation, directement sur le téléphone qui se fixe lui sur le vélo avec un quadlock (autre nouveauté testée pendant ce voyage et également adoptée). Les fonds de carte à l’étranger nous laissent parfois un peu hésitants en tant qu’habitués du top 25 d’IGN. Mais on débrouille, en vérifiant certains passages avec l’image satellite on arrive à contourner quelques obstacles. Et le reste, ça fait partie des surprises du terrain.
  • Distances : hum, et bien si vous êtes habitué.e.s au vélo de route, sur lequel faire 100k demande une bonne forme et une certaine habitude mais n’est pas non plus un exploit, il va falloir ré-évaluer vos critères. Parce que sur les pistes, les chemins et les sentiers — même en très bon état comme en Andalousie — et bien on ne va pas vite ! Nos deux étapes autour de 100k étaient loooooonnngues et franchement un peu limites — nous sommes arrivés la nuit tombée, bien bien nases. Même si on savait que ça passait et on était limités dans nos choix d’hébergement, on préfère largement les étapes de 50 à 70k par jour, surtout si le dénivelé est important et le terrain technique. Ca nous laisse aussi le temps de papoter, de regarder le paysage, faire la sieste, prendre des photos et tout simplement apprécier.
  • Les outils, ah ! les outils ! Car il en faut. Nos sacs de cadre sont d’ailleurs consacrés à ça : kit multi-outils, pompe, kit de réparation en cas de crevaison (et on s’en est bien servi après qu’un clou énorme — je n’ai pas osé le prendre en photo, le moment étant un peu tendu — ai transpercé de part en part le pneu arrière de Jo. Evidemment on était au milieu de nulle part, on avait encore un bon 40km à faire et la nuit n’était pas loin. Jo, qui ne se laisse pas démonter par ce genre de choses, à réussi à réparer le pneu déchiré, à vider le tubeless de sa colle et à y mettre une chambre à air. Puis — et c’était de loin le plus dur — à repartir confiant que la réparation allait tenir sur des pistes défoncées et dans les traversées d’épineux puisque bien sûr on eu droit à des imprévus de parcours ensuite). On a aussi des tas d’autres trucs que nos expériences respectives nous ont enseignées à ne pas oublier à la maison : la graisse de chaine qui va bien pour protéger de la poussière et la boue, la patte et tige de dérailleur (oui c’est utile, puisqu’une de mes spécialités est la chute justement sur le dit-dérailleur, deux telles chutes pendant ce voyage), des serreflex, des valves, des démonte-obus, et tout ça. Je n’en ferai pas la liste exhaustive, les passionnés peuvent nous demander.
  • Et la bouffe ? Ben, il en faut, et souvent cela demande de faire une croix sur l’alimentation équilibrée idéale qui n’est finalement réaliste que pour le.la sporti.f.ve urbain.e qui a le biocoop au coin de la rue. On prend ce qu’on peut et ce qu’on trouve, on ne fait pas de chichi — comme je l’ai dit plus haut, on mange beaucoup et souvent, c’est le secret pour avoir l’énergie suffisante de pédaler 6 à 8h par jour.
  • Les bobos : parce que oui, plusieurs journées de suite les fesses sur un vélo, secoué.e par la caillasse, c’est inconfortable. Ne nous leurrons pas, il n’y a pas de petits trucs “magiques” qui feraient subitement disparaitre le mal aux fesses (terme générique décrivant toute une gamme de désagréments allant de la foufou…. et les coui…. applaties, à la chair à vif, en passant par les bleus aux ischions et/ou au pubis). Vous avez peut être déjà fait l’expérience du lendemain d’une grosse sortie, le premier contact avec la selle, où on se dit… « ah mais là non, ce n’est pas possible, je ne peux pas m’assoir, je vais devoir faire toute la sortie du jour en danseuse » ; et bien ce genre d’expérience ne cesse pas. On s’y habitue un peu, on serre les dents quelques temps et au bout d’un moment, l’inconfort fait juste partie du paysage du jour, on peut passer à autre chose. Et puis il y a aussi les pointes dans le cou et/ou le haut du dos, les poignets et/ou doigts qui crampent, les genoux qui couinent quand on doit pousser/tirer dur sur les pédales dans les côtes. Mais bon, quand on cultive la lenteur, on se donne le temps de s’arrêter, de souffler, d’ajuster et de repartir un peu soulagé.e.