L'histoire de Phunjo Lama
Une enfance himalayenne
Phunjo Lama a la trentaine et est népalaise. Elle vient d’un village isolé, perché à 3500m dans l’Himalaya. Élevée par son grand-père, Phunjo a passé ses premières années à transporter du sel vers le Tibet à l’aide d’un troupeau de yaks, marchant souvent sur de longues distances et portant elle-même de lourdes charges. Elle a peu été à l’école, celle-ci étant quasi inexistante dans son village et les revenus de la famille reposant aussi sur sa contribution. A l’âge de 13 ans, son frère aîné, qui avait déménagé à Katmandou, l’a invitée à le rejoindre dans la capitale. Avec 45 kg de provisions sur le dos, Phunjo a entrepris un voyage à pied de deux semaines, s’attendant à ce que Katmandou ne soit guère plus qu’un grand village. Elle s’imaginait devenir nonne bouddhiste, les possibilités pour les femmes étant limitées.
Un premier métier
Katmandou ouvre d’autres opportunités pour Phunjo. Son frère l’inscrit à l’école, la transition est difficile. Vu son niveau scolaire, Phunjo est placée dans une classe avec des enfants beaucoup plus jeunes ; Phunjo ne parlais pas népalais— dans son village on parle le Tibétain— et elle décrit ces années comme ardues. Elle parvient cependant à apprendre la langue et en 2013, ses compétences linguistiques se revèlent inestimables. Une femme de son village, ne sachant pas comment appeler les secours, lui demande de l’aide pour sa sœur enceinte; celle-ci est en train d’accoucher, sa vie et celle du bébé sont en danger, leur survie dépend d’une évacuation par hélicoptère. Il n’y a pas de docteur dans ce village perdu au coeur de l’Hilamaya, les femmes meurent encore parfois en couche, Phunjo elle-même a perdu sa mère dans de telles circonstances alors qu’elle n’avait que deux ans. Grâce à son népalais, Phunjo réussit à coordonner le sauvetage, la mère et l’enfant survivront. Cette expérience ouvre une porte inattendue ; par le pilote d’hélicoptère, Phunjo découvre la possibilité de devenir sauveteuse en montagne. Elle suit alors trois formations au Népal, et est sponsorisée pour terminer son training en Europe. Elle devient donc la première femme népalaise à être long line helicopter rescuer, ces sauveteurs qui interviennent dans des terrains extrêmes pendus au bout d’un fil.
Phunjo devient guide de haute montagne
Phunjo se décrit comme profondément engagée dans sa carrière de sauveteuse de l’époque, mais très mal à l’aise — elle qui est baignée dans la culture bouddhiste— avec le fait que son revenu dépende d’accidents en montagne souvent très graves. Pendant cette période, grâce à ses collègues, elle découvre l’alpinisme et excelle aussi bien dans les ascensions techniques que dans les expéditions en haute altitude. Comme beaucoup d’alpinistes népalais, elle voit là une manière de gagner sa vie et de payer la scolarité de sa fille. Elle emprunte de l’argent à un ami de la famille et suit les cours nécessaires pour devenir guide de haute montagne accréditée au Népal, une profession qu’elle exerce aujourd’hui. Elle aimerait aujourd’hui obtenir l’accréditation internationale, ce qui lui ouvrirait d’autres opportunités, mais la formation est coûteuse et elle n’a pu, à ce jour, la financer.